En ce moment, et jusqu’au 17 janvier 2025, une magnifique exposition d’estampes et de sculptures inuit se tient au centre culturel canadien à Paris.
Une coopérative artistique inuite dans le Grand Nord canadien, Kinngait, Nunavut rassemble des oeuvres de la collection Claude Baud et Michel Jacot.
Une place particulière est accordée aux estampes de Kenojuak Ashevak.
L’occasion pour moi de faire un bref rappel historique sur l’art inuit.
Au cours d’un voyage au Canada, vous avez peut-être fait l’acquisition d’une sculpture en serpentine ou en pierre à savon (stéatite) réalisée par des artistes inuits originaires du Nunavut, du Québec ou de Terre-Neuve-et-Labrador.
De nombreuses galeries d’art à Montréal, Québec et Toronto vendent des statues d’ours dansants, de figures tutélaires comme Sedna ou d’étranges esprits et corps issus de métamorphoses chamaniques…
Ces représentations sont parmi les plus répandues mais si les artistes trouvent leur inspiration en puisant dans l’imaginaire ancestral ou la faune locale – morse, boeuf musqué, baleines boréales, narvals…- ils ne se limitent pas à façonner des scènes de chasse ou des figures d’ordre spirituel.
C’est au début du XXe siècle que les populations du Nord-est du Canada ont commencé à produire plus massivement de petites sculptures (en pierre mais aussi en ivoire de morse et en os de caribou) afin de les échanger contre des denrées et des objets auprès des baleiniers et des commerçants non autochtones.
Puis, en 1948, de retour d’un voyage auprès des Inuits, James Houston, un artiste et désigner canadien qui a notamment étudié à Paris et au Japon, contacte la Guilde à Toronto après avoir ramené plusieurs statues. Soutenu par le gouvernement fédéral qui lui octroie une bourse, Houston retourne dans le grand Nord en 1949 et commence à acquérir des oeuvres d’art inuit pour le compte de la Guilde. Il s’installe avec femme et enfants à Cape Dorset et élargit ses prospections aux gravures et estampes inuit qu’il contribue à populariser dès 1957.
Gagnant en visibilité et reconnaissance, les artistes inuits commencent alors à s’organiser : Charlie Sivuarapik devient le premier membre inuit de la Société des sculpteurs du Canada. Toujours à Cape Dorset, le premier atelier de création d’estampes, la West Baffin Eskimo Co-operative voit le jour. Elle acquiert de nombreuses estampes réalisées par Kenojuak Ashevak dont Le hibou enchanté qui deviendra l’une des représentations les plus emblématiques de l’art inuit. De nos jours, les artistes inuits traitent aussi de sujets plus contemporains, comme la violence domestique ou la pratique des jeux vidéos, témoignant ainsi de leur quotidien à cheval entre deux cultures. Annie Pootoogook s’est donc éloignée du style de sa grand-mère, Pitseolak Ashoona, et de ses illustres parents Napachie Pootoogook, Eegyvudluk Pootoogook, pour concevoir des estampes mettant en scène les aspects les plus triviaux, voire crus, de son quotidien de jeune femme inuit.Au centre culturel canadien, vous pouvez aussi découvrir Besoin naturel d’Annie Tunnillie, et plusieurs estampes de Shuvinai Ashoona, au sujet de l’alcoolisme en Nunavut.
Bibliographie indicative :
Darlene Coward Wight. Creation and Transformation: Defining Moments in Inuit Art Douglas & McIntyre, 2013.
Emily E. Auger. The Way of Inuit Art: Aesthetics and History in and Beyond the Arctic McFarland & Company, 2011.
John Ayre. James Houston and the Making of Inuit Art. McFarland & Co Inc (20 octobre 2022)
James Houston. Sanajatsarq: Eskimo Handicrafts. Traduit par Ford, Sam et Frederica Woodrow. Montréal : The Canadian Handicrafts Guild et le ministère des Affaires du Nord et des Ressources nationales (Janvier 1951 : 11). C10 D1 041 195. Les archives de La Guilde, Montréal, Canada.
James Houston. Zigzag: A Life on the Move Hardcover McClelland & Stewart, 1998.