La série TV Dark Winds produite par Robert Redford, George R.R. Martin et la fille du romancier Tony Hillerman revient pour une 3e saison.
Elle a créé le buzz dès la diffusion des premiers épisodes grâce aux apparitions en caméos de deux légendes hollywoodiennes : Robert Redford qu’on n’avait pas vu dans un rôle à l’écran depuis 6 ans, et George R.R. Martin, le créateur – en autres – de Games of Thrones.
Je vous propose de découvrir cette scène à la fois touchante et cocasse ici :
Robert Redford est connu pour avoir aidé de nombreux jeunes réalisateurs autochtones, au nombre desquels la réalisatrice transgenre navajo Sydney Freeland : il était executive producer pour son film Drunktown’s Finest qui fut ensuite projeté au festival de Sundance dont Redford fut l’un des promoteurs.
Redford a également été le narrateur d’Incident à Oglala (réalisé par Michael Apted, également aux commandes de Coeur de Tonnerre qui se déroulait dans la réserve Lakota) qui revenait sur l’arrestation honteuse du militant Léonard Peltier, accusé à tort de la mort de deux officiers du FBI après une confrontation avec des activistes autochtones dans la réserve de Pine Ridge, dans le Dakota du Sud. Peltier vient d’être libéré par Joe Biden (quelque temps avant l’investiture de Trump) après 49 ans d’incarcération.
Redford s’est assez vite intéressé au potentiel cinématographique des romans de Tony Hillerman. Il a signé The Dark Wind en 1991 puis coproduit trois téléfilms diffusés sur la chaîne PBS : Skinwalkers, en 2002, Coyote Waits en 2003 et A Thief of Time en 2004. Voir mon article précédent au sujet de la première saison de Dark Winds. Skinwalkers et A thief of time étaient réalisés par Chris Eyre, cinéaste Cheyenne et Arapaho, qui a aussi réalisé l’épisode où apparaissent Robert Redford et George R.R. Martin.
Au-delà de ces caméos sympathiques, cette saison 3 tient-elle la route ? Oui et non. Les acteurs, Zahn McClarnon en tête, sont toujours aussi bons. La photographie est magnifique. Le suspense, savamment entretenu. Mais alors qu’est ce qui cloche ?
Eh bien, les fans des livres d’Hillerman seront – comme moi – peut-être déçus par cette adaptation, très librement inspirée des romans. Peut-être pour permettre aux trois acteurs principaux, Kiowa Gordon dans le rôle de Jim Chee, Zahn McClarnon (Joe Leaphorn) et Jessica Matten dans la peau de Bernadette Manuelito d’avoir un temps de présence quasi identique ou tout au moins équitable à l’écran, deux romans constituent la trame de la 3e saison. Deux romans qui dans l’univers d’Hillerman n’ont rien à voir l’un avec l’autre.
La 3e saison mixe donc les intrigues de Dance Hall of the Dead, paru en 1973, et The Sinister Pig, publié en 2003. 30 années séparent les deux ! Or, les personnages, sous la plume d’Hillerman, ont eu le temps de mûrir, de changer.
Autre problème : la modification des éléments familiaux relatifs aux personnages. Dans les livres, Leaphorn est veuf. Dans la série, il a perdu un enfant. Cette disparition l’entraîne à commettre, dans l’exercice de ces fonctions de policier, un manquement au règlement mais surtout un acte qui, en plus d’être pénalement répréhensible, va à l’encontre de la spiritualité navajo. Jamais le lieutenant Leaphorn, l’exemple même de la sagesse, n’aurait fait cela dans un roman de Tony Hillerman !
L’harmonie, hozho, concept navajo central, à la fois ciment des relations sociales et de la pratique religieuse, est donc fortement malmenée dans The Dark Winds. Cela contribue certainement à instiller une tension permanente qui hausse la série au rang d’honorable thriller, mais cela trahit la pensée d’Hillerman et son immense respect pour la culture navajo. De même, tout l’arc narratif autour de Jim Chee qui souhaite devenir hataali (homme médecine navajo) est passé à la trappe.

Michael Moriatis/Stalwart Productions/AMC | Crédits : © 2021 Stalwart Productions Droits d’auteur : © 2022 AMC Film Holdings LLC
Deuxième souci, peut-être moins grave, mais tout aussi regrettable : la disparition de personnages secondaires particulièrement originaux. Dans The Sinister Pig, Bernadette Manuelito avait quitté la police tribale navajo pour rejoindre la Border Patrol (police des frontières). Au cours de ses rondes, elle avait découvert l’activité suspecte d’un rancher et propriétaire d’une exploitation minière. Pour la faire taire, un tueur à gage avait été engagé. Mais Hillerman avait imaginé un hitman descendant de Républicains espagnols, animé d’un certain sens moral, et bien décidé à ne pas accomplir les basses besognes de ses boss corrompus. Ce personnage, trop complexe, a disparu de la série… comme bien d’autres.
Dark Winds est une excellente série policière mais est-elle une bonne adaptation ? La question mérite d’être posée.
Sources :
- « How Those ‘Dark Winds’ Surprise Cameos Came Together », Lisa De Los Reyes, The Hollywood Reporter, 10 mars 2025.
- « How Dark Winds Scored Two Legends for a Premiere Cameo », Jen Chaney, Vulture, 9 mars 2025.




