Quel rapport entre les Code Talkers et la préservation de la médecine navajo ? Aucun, semblerait-il… sauf que ces valeureux guerriers de la seconde guerre mondiale ayant joué un rôle décisif dans la victoire contre les forces de l’Axe lors des combats dans le Pacifique ont contribué à défendre l’importance culturelle de la langue navajo et sa nécessaire sauvegarde.
Chester Nez, le dernier des 29 premiers Code Talkers à être envoyés dans les îles Pacifique, est décédé le 4 juin 2014 à l’âge de 93 ans. Chester Nez fut recruté par Philip Johnston, le fils d’un couple de missionnaires élevé sur la réserve qui persuada l’armée nord-américaine d’utiliser la langue navajo, réputée très difficile à apprendre et comprendre, pour crypter les transmissions radio.
Ce n’était pas la première fois qu’une langue amérindienne était utilisée par l’armée : lors de la première guerre mondiale, la compagnie D de la 141e Infanterie comprenait huit membres de la communauté Choctaw chargés des transmissions radiotéléphoniques. Mais, pendant l’entre-deux guerres, de nombreux étudiants allemands avaient traversé l’Atlantique pour apprendre à parler Lakota, Apache… seul le Navajo était resté hors de leur portée !
En 2001, Nez et 28 autres Code Talkers reçurent la médaille du Congrès en remerciements des services rendus aux États-Unis. Une bien belle récompense pour ces anciens élèves de boarding-schools qui étaient régulièrement battus par les missionnaires lorsqu’ enfants, ils s’exprimaient naturellement en navajo.
De retour à la vie civile, Chester Nez gagna sa vie comme peintre d’immenses fresques murales, l’une d’entre elle, achevée en 1972, est encore visible dans le Recreation Hall de l’hôpital pour vétérans Raymond G. Murphy à Albuquerque. En 2012, Chester Nez reçut son diplôme de licence en arts de l’université du Kansas; il n’avait pu achever ses études avec la fin de sa bourse militaire.
Le code utilisé par les soldats navajo a été déclassifié par l’armée américaine en 1968, il est désormais consultable ici.
Le 16 juillet 2014, l’état d’Arizona a officiellement reconnu le 14 août comme jour de commémoration des Code Talkers. En 1982, Ronald Reagan avait déjà signé une proclamation solennelle honorant les vétérans navajo de la seconde guerre mondiale. Le 14 août correspond également à la date de capitulation du Japon.
Plusieurs livres ont été consacrés au Navajo Code Talkers. Le film Windtalkers, réalisé par John Woo en 2001, illustre également ce pan méconnu de l’histoire militaire nord-américaine, non sans adopter un point de vue cinématographique qui dessert quelque peu les principaux acteurs de cette épopée (le film est davantage une ode à Nicolas Cage qu’aux soldats navajo ; l’acteur choisi pour interpréter le rôle principal navajo n’est pas issu de la tribu etc…)
Voir ainsi le powerpoint (en anglais) que j’ai réalisé pour analyser Windtalkers lors du XVième colloque international de la SERCIA, Université de Besançon, septembre 2010.
Le texte intégral de cette communication, Remembrance of Navajo Code Talkers on Screen, a été publié en mai 2014 dans l’ouvrage collectif Memory in/of English-speaking Cinema : Le Cinéma comme vecteur de la mémoire dans le cinéma Anglophone, dirigé par Zeenat Saleh et Melvyn Stokes, chez l’éditeur Michel Houdiard.