A l’origine: Bosque Redondo et les missionnaires…
Les Navajo ont eu un premier contact avec la médecine occidentale à Bosque Redondo où ils furent emprisonnés après avoir été mis en déroute par le général Kit Carson en 1863.
Les conditions d’hygiène y étant déplorables, les Navajo contractèrent de nombreuses maladies infectieuses telles que la dysenterie, le choléra, la rougeole et la varicelle. Un petit hôpital fut érigé en 1865 à Fort Sumner mais les médecins militaires ne purent faire face au nombre croissant de malades.
Les Navajo se montrèrent sceptiques quant à l’utilité des soins prodigués par les médecins blancs, la vaccination semblant être le seul moyen d’éviter de contracter ces maladies.
Le traité de 1868 entre les Etats-Unis et les Navajo comportait une clause selon laquelle un médecin serait assigné aux besoins de la réserve. Le War Department puis le Department of Interior, tous deux responsables des Affaires indiennes montraient peu d’intérêt pour la santé publique au sein des réserves et laissaient aux groupes missionnaires la charge de soigner les Navajo. Le premier médecin diligenté par le gouvernement fédéral en février 1872, John Menaul, était presbytérien car la réserve navajo fut placée sous la tutelle de cette communauté protestante.
John Menaul était un homme à la foi chevillée au corps. Il n’avait pas terminé ses études en médecine et ne possédait pas le titre de docteur. L’Indian Office accepta sa candidature au poste pour sa réputation de missionnaire zélé. Menaul ne souhaitait pas uniquement soigner et guérir les malades dont il aurait la charge, il désirait ardemment modifier les comportements des habitants de la réserve, indiens ou blancs.
Il avait fait de la lutte contre les conduites « immorales » (les relations sexuelles entre Indiens et blancs) une croisade personnelle. Ils dénonça aux autorités fédérales plusieurs employés anglo vivant avec des femmes navajo. Selon lui, les maladies vénériennes se propageaient à la suite de ces unions.
Il écrivit au début de son séjour parmi les Navajo : « La médecine et la charité vont permettre à la Parole Evangélique d’advenir parmi les Indiens. »
Mais, à peine quelques mois après son arrivée dans la réserve, il montrait des signes de découragement dans une lettre écrite en juillet 1872:
« J’ai gagné la confiance des Indiens mais je suis à cours de médicaments et je vais devoir fermer mon cabinet si vous ne m’envoyez pas les remèdes suivants. »
John Menaul avait désespérément besoin de purgatifs, de stimulants gastriques, de narcotiques à base d’extraits de plantes (belladone et quinine) mais aussi d’outils et ustensiles à usage médical (forceps, éponges, boîtes à pilules…) [1]
[1] Lettre de John Menaul à Nathaniel Pope, 5 juillet 1872, National Archives, Reports of Inspections of the Field Juridictions of the Office of Indian Affairs, 1873-1900.
A cours de médicaments, le docteur Menaul devait renvoyer les Navajo qui venaient quérir ses services. Au mois de mars 1874, malgré la rigueur de l’hiver, la fréquentation de son cabinet médical atteint son pic: Menaul soignait entre 450 et 1200 patients par mois. Dépassé, il évoqua la nécessité de créer un hôpital au mois de septembre.
En 1875, Menaul, épuisé, quitta la réserve pour un poste dans la Southern Apache agency. Il termina sa carrière auprès des Peublo Laguna qu’il soigna pendant 16 ans.
Il fallut attendre l’arrivée d’autres missionnaires dans la réserve pour que les premiers hôpitaux voient le jour. En 1897, The Good Shepherd Hospital, construit par les épiscopaliens à Fort Defiance, accueillit ses premiers patients. A Rehoboth, les missionnaires de la Christian Reformed Church, présents dans la réserve depuis 1898, créèrent une structure de soin en 1910.
Hôpitaux publics: de l’Indian Service au Public Health Service et la création de l’Indian Health Service en 1954.
Avec l’adoption du Snyder Act en 1921, le gouvernement fédéral fait de la santé une priorité de la politique indienne. En 1928, le rapport Meriam souligne le manque de fonds alloués au domaine de la santé auprès des populations indiennes.
Plusieurs hôpitaux sont créés en territoire navajo : à Tuba City (1928), Kayenta (1929), Chinle (1932), Winslow (1933) et Fort Defiance (1939).
En 1938, l’Indian Service gérait 9 hôpitaux dans la réserve : à Chinle, Tuba City, Leupp et Fort Defiance en Arizona et à Shiprock, Crownpoint, Tohatchi, Fort Wingate et Toadlena au Nouveau-Mexique.
En juin 1938, l’hôpital central de Fort Defiance fut ouvert. L’Indian Service s’enquit pour la première fois des services d’un homme-médecine, Pete Price, qui célébra une Voie de la Bénédiction lors de l’inauguration du nouvel établissement.
L’entrée des États-Unis dans la seconde guerre mondiale porte un coup fatal à l’émergence d’une action sanitaire coordonnée en territoire navajo. De 1942 à 1946, quatre hôpitaux cessent de fonctionner (Leupp, Toadlena, Fort Wingate and Kayenta).
Le Conseil Tribal était mécontent de la gestion de la santé par le Bureau Of Indian Affairs, il devait se résigner à travailler avec les missionnaires qui, disposant de davantage de financements, proposaient dans leur grande majorité des soins de bonne qualité.
Mais, bientôt, les membres du Conseil Tribal allaient avoir l’opportunité de mettre fin à cette collaboration forcée. En 1946, une nouvelle politique indienne voit le jour avec la victoire des Républicains au Congrès. Collier avait démissionné en1945.
Les Républicains souhaitaient limiter l’intervention du gouvernement dans les Affaires Indiennes en transférant l’administration fédérale de l’éducation et de la santé aux états. Le Bureau of Indian Affairs, autrefois dépendant du Ministère de la Défense, était une division du Ministère de l’Intérieur. Sous couvert de « terminer » toute politique indienne, de nombreux fonds réservés aux BIA furent alloués à d’autres administrations. C’est ainsi que la gestion de la santé fut confiée au Public Health Service.
Les Navajo étaient divisés sur le transfert de la responsabilité des questions sanitaires du BIA au PHS. Certains membres du Conseil Tribal craignaient une diminution des fonds alloués à la santé des habitants de la réserve. La fermeture de petites structures médicales confirmaient leurs craintes.
Cependant, les membres les plus influents du Conseil comme Sam Ahkeah (voir photographie ci-dessous) soutenaient ce transfert.
L’infirmière Annie Wauneka Dodge, fille de Chee Dodge, espérait également que les médecins formés par le PHS seraient plus qualifiés que ceux engagés par le BIA.
Annie Wauneka avait collaboré avec les praticiens du Cornell-Many Farms program, tous employés par le PHS. Ces médecins respectueux des traditions l’avaient fortement impressionnée par leur dévotion au peuple navajo. Le transfert fut donc accepté par le Conseil Tribal, et le 5 août 1954, le président Eisenhower entérina cette mesure avec l’adoption de la Public Law 568 qui marquait la naissance de l’Indian Health Service.
Le Public Health Service créa différentes agences pour superviser les actions menées auprès des populations indiennes.
Les structures hospitalières navajo dépendaient d’un bureau situé à Albuquerque mais une agence située à Window Rock faisait la liaison entre le bureau d’Albuquerque (Albuquerque Area Office) et les 8 divisions navajo. La création de ces divisions régionales devait faciliter l’accès aux soins de l’ensemble de la population. L’offre médicale couvrait ainsi l’ensemble du territoire.
En décentralisant la gestion de la santé, les responsables du Indian Health Service espéraient pouvoir coopérer plus régulièrement avec les responsables politiques locaux et les institutions médicales tribales récemment créées.