Premiers pas dans le métier…
Mme Kraft, infirmière dans un service de maternité à Crownpoint, Shiprock et Fort Defiance se remémore ses années de formation à Albuquerque à la fin des années 1930.
Elle évoque l’extrême pudeur des femmes navajo qui refusaient de se dévêtir pour recevoir des soins des mains d’infirmières étrangères à la tribu. Elle mentionne également l‘importance de la famille: proches et parents éloignés se pressent autour du lit de la patiente, ce qui peut entraver l’exécution de certains gestes médicaux.
« Les femmes navajo arrivaient juste à temps pour accoucher. Elles refusaient de retirer leurs vêtements, impossible de parvenir à les convaincre de prendre une douche. On n’arrivait à rien. Avec un peu de chance, la seule chose qu’elles acceptaient de faire , c’était de se coucher…Et la seule récompense pour nous, c’était d’attraper des poux (…) La plupart du temps, l’ensemble de la famille était présent…leur mari, leurs quatre ou cinq enfants…et s’il n’y avait pas de place à l’intérieur, ils campaient dehors. »
Cassette #529, novembre 1969. American Indian Oral History Collection, 1967-72, MSS 314 BC, Center for Southwest Research, University of New Mexico, AlbuquerqueLes difficultés du métier à Sage Memorial. (hôpital presbytérien à Ganado).
Poème publié dans le Bulletin, revue paroissiale dans les années 1940.
En 1930, les Salsbury, un couple de missionnaires presbytériens, firent construire un hôpital flambant neuf, Sage Memorial, en lieu et place des structures obsolètes réservées au soin des malades à la mission de Ganado.
« Ce n’est pas la pluie qui s’abat sur moi, ce sont des Navajo.
De chaque route et piste cavalière, ils arrivent par hordes et troupeaux.
Leurs chariots occupent tout l’espace du jardin
Leurs chevaux se dirigent docilement vers la palissade
Leurs sacoches, cartons -et leurs chiens-
S’amoncellent en d’immenses piles.
A l’intérieur des chambres, en rangs serrés,
Chaises et lits contre les murs,
Hommes, Femmes, Enfants -et leur crasse-
Sont accroupis, en groupe compact.
Ce n’est pas la pluie qui déferle sur moi
Ce sont les Navajo.
Comme d’un robinet
De l’eau s’écoule de leurs couvertures humides et leurs vêtements
Comment 29 d’entre eux parviennent-ils
à trouver le sommeil dans trois petites chambres ?
Dieu seul sait.
Je suis bien heureuse qu’il ne pleuve pas de Navajo chaque nuit. »
Copyright (c) 2010 Nausica Zaballos. All rights reserved.
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S’émerveiller des magnifiques paysages après un passage au somptueux El Navajo Hotel à Gallup…
Le témoignage de Bertha M. Tiber, 1949.
« Pour la plupart des infirmières originaires des grandes villes de l’Est, c’était l’aventure de toute une vie! Le El Navajo Hotel à Gallup était la porte d’entrée vers un monde des plus excitants. Ensuite, nous nous efforcions de discerner -sans y arriver- les hogan (les habitations traditionnelles navajo) que notre chauffeur pointait du doigt alors qu’il nous conduisait au fort. Malheureusement, point de hogan à l’horizon. Nous n’arrivions pas à les distinguer car, à cause de leur couleur, ils se confondaient avec le paysage. Après la cérémonie indienne à laquelle nous fumes conviées, la lumière vacillante des feux de bois conférait une aura mystérieuse à notre soirée : cette image et le silence absolu du désert resteront à jamais gravés dans nos mémoires. »
Près de Ganado, Arizona…
Août 2011, © Nausica Zaballos.
Annie Wauneka, éducatrice et responsable de santé navajo, pionnière dans la lutte contre la tuberculose s’exprime sur la nécessité de renseigner au mieux les familles des patients hospitalisés (4 décembre 1969)
Confrontés à l’hospitalisation longue durée de leurs proches, les familles des patients navajo craignaient pour leur santé s’ils entraient en contact avec le malade à sa sortie. Les patients qui retournaient chez eux trouvaient parfois portes closes ou étaient victimes de dénigrement et d’ostracisme. Pour dissiper ces craintes et permettre au patient de retrouver tout le soutien familial qu’il était en droit d’espérer des siens, Annie Wauneka soutenait l’action des travailleurs sociaux et des infirmières qui se rendaient dans les hogan pour expliquer les modalités et les finalités des traitements administrés.
Dans les années 1950, une nouvelle catégorie de personnel hospitalier fut créée: le Health Visitor. Recruté parmi les Navajo, cet employé de l’hôpital est parfaitement bilingue et au fait des traditions et de l’étiologie navajo. Il sert d’intermédiaire entre l’institution hospitalière -parfois mal acceptée- et les familles. Mieux accepté que le médecin blanc car navajo, il rassure les familles qui craignent d’être contaminées par des chindi (émanations des morts) ou d’entrer en contact avec des sorciers en se rendant à l’hôpital.
« Le patient est pétrifié à l’idée de retourner chez lui parce que certains membres du clan ne vont pas admettre l’utilité du traitement et de l’hospitalisation. Ils estiment que s’il s’est éloigné aussi longtemps de la maison, c’est parce qu’il était atteint d’une terrible et incurable maladie. Certains sont rejetés, ils ne peuvent plus retourner vivre dans leur hogan…et même parfois dans leurs propres villages…alors nous essayons de contacter la famille pour qu’elle puisse nous rencontrer à l’hôpital. Lorsque c’est impossible, nous faisons intervenir l’équipe mobile, l’infirmière en chef et les travailleurs sociaux qui rendent visite à la famille (…) Si cela ne suffit pas, la famille passe à l’hôpital pour rencontrer le docteur qui sera assisté d’un interprète. »
Cassette #283, novembre 1969. American Indian Oral History Collection, 1967-72, MSS 314 BC, Center for Southwest Research, University of New Mexico, Albuquerque