Arrêt du bus navajo: © Nausica Zaballos, 2006.
La médecine navajo : première partie du livre.
La première partie traite de la conception navajo de la médecine et de la maladie.
J’y explique en quoi la médecine traditionnelle navajo est avant tout l’expression d’une forme de spiritualité et d’organisation sociale où le respect de l’ordre, de la mesure et des enseignements transmis par les êtres sacrés -les Yei– garantissent une bonne santé au Navajo traditionaliste.
Tobadzischini, photographié par Edward S. Curtis en 1904.
La description des « remèdes » navajo est prétexte à l’étude des principaux mythes.
Venez découvrir les héros mythiques des cérémonies navajo: Né de l’Eau et Tueur de Monstres (les Jumeaux Héroïques enfantés par Femme Changeante), Garçon Pluie de la Voie de la Grêle, Celui-qui-s’éduque-seul, Garçon-Rêveur, Glispah (la protagoniste de la Voie de la Beauté).
Souvent chassés de leur village, en but à l’incompréhension et aux rebuffades de leurs proches, ils acquièrent sagesse et pouvoirs au terme de leurs pérégrinations. Devant affronter monstres, soumis aux pires supplices (la noyade, la démembration), ils obtiennent finalement l’harmonie tant recherchée et renaissent à la vie, avec la pleine jouissance de leurs capacités psychiques et physiques. Ce sont les prototypes des patients originels. Les malades qui participent aujourd’hui à la confection de peintures de sable sont invités à s’identifier à ces personnages du passé mythique de la tribu navajo.
Les récits de guérison navajo sont avant tout des contes initiatiques, des Bildungsromans. Ils recèlent plusieurs niveaux de lecture et différentes grilles d’interprétation s’offrent à nous pour les comprendre. Je me suis beaucoup inspirée du travail réalisé par Donald Sandner, l’ex-président du C.G. Jung Institute de San Francisco, décédé en 1997. Il a notamment publié Navaho Symbols of Healing: a Jungian exploration of ritual, image and medicine (traduit en français aux Editions du Rocher) et The Sacred Heritage: The Influence of Shamanism on Analytical Psychology.
Donald Sandner montre en quoi les héros navajo constituent des archétypes communs à d’autres civilisations. Les différentes étapes de leurs aventures sont détaillées afin de montrer qu’elles correspondent à un cycle de vie-mort-renaissance, qui n’est pas sans évoquer celui analysé par Mircea Eliade.
Comme il peut s’avérer hasardeux de plaquer des concepts occidentaux à des modes de croire propres à des cultures indigènes étrangères à nos systèmes de pensée, l’analyse jungienne n’est ici utilisée que pour offrir une piste de compréhension supplémentaire aux rituels et mythes navajo. Le mythe des Origines est étudié à travers les différentes versions des récits transmis par les hataali aux anthropologues.Je me suis tour à tour servie des versions d’Hosteen Klah transmise àMary Wheelwright en 1942 et celle retranscrite par Washington Matthews. D’autres versions, plus modernes font l’objet de quelques références.
Hosteen Klah et Mary Wheelwright.Site de la fondation Mary Wheelwright
Le déroulement type d’une cérémonie est également étudié avec le rôle symbolique et curatif joué par chaque phase rituelle:
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l’extraction du mal avec l’ingestion d’émétiques et les bains de sudation,
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l’identification avec les chants et la conception de la peinture de sable,
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la célébration de la guérison avec la participation de la communauté, famille proche ou éloignée, réunie autour du patient.
Même si le hataali semble être le praticien le plus réputé de la société navajo, plusieurs pages sont consacrées aux diagnostiqueurs (par main tremblante, par observation des étoiles ou par écoute -les listeners).
De plus, les modalités d’apprentissage et d’exercice de la médecine traditionnelle font aussi l’objet de nombreux compte-rendus de témoignages. La Nation Navajo souhaite avant tout protéger son patrimoine rituel. Souvent spoliée de ses artefacts religieux par des collectionneurs peu scrupuleux, elle veille à la stricte application du NAGPRA, le Native American Protection and Repatriation Act qui permet aux tribus de « récupérer » des objets sacramentels ayant fait l’objet de ventes ou d’exposition.
La première partie s’achève avec l’analyse de l’étiologie navajo qui est également discutée sur ce site (voir l’onglet étiologie). De nombreuses menaces planent sur la Nation Navajo, de l’abandon des traditions au non respect des enseignements transmis par les Yei en passant par l’acculturation qui guette les Navajo fréquentant les Eglises Baptistes… Plusieurs types de comportements peuvent mettre en jeu l’unité de la Nation Navajo et permettre à la maladie d’advenir.
Communauté baptiste de Tse Bonito. Photographies prises par l’auteur en 2007.
Médecins blancs face aux Navajo: Deuxième partie
La deuxième partie traite essentiellement des problèmes rencontrés par les médecins « blancs » ou étrangers à la culture navajo. La gestion des disparités culturelles entre patients et soignants était source de nombreux malentendus, frustrations ou mécontentements, ce qui ne permettait pas une délivrance de soins satisfaisante pour tous. Les problèmes d’infrastructures ou la barrière de la langue compromettaient la lutte contre les maladies infectieuses qui décimaient les Navajo jusque dans les années 1970.
Cette partie analyse les programmes qui permirent d’améliorer la situation et constitue une bonne synthèse de nombreux documents illustrant la difficulté de soigner des patients issus d’un milieu culturel et religieux différent de celui du personnel hospitalier.
Quelques extraits de témoignages réunis au cours de mes recherches et n’ayant pas fait l’objet de citations dans le livre sont disponibles dans les pages de l’onglet Patients/Soignants.
De la concurrence à la coexistence: Troisième partie.
La deuxième partie s’attache à montrer comment deux médecines autrefois en concurrence -la médecine dispensée par les missionnaires ou les scientifiques étrangers à la culture navajo et la médecine ritualistique- semblent aujourd’hui coexister au sein des structures de soin de la réserve. Comment les rituels navajo ont-ils pu perdurer jusqu’à nos jours ?
La médecine traditionnelle a-t-elle dû s’institutionnaliser pour que ses vertus thérapeutiques puissent être reconnues par le corps médical bilagaana (non-navajo) ?
L’accès des Navajo aux carrières médicales a-t-il favorisé la reconnaissance et l’usage étendu des savoirs indigènes ? Comment les soignants navajo tels que Lori Arviso Arvord -première femme navajo chirurgienne- ont-ils pu naviguer entre les deux cultures? Quels furent leurs tiraillements ou difficultés ?
Enfin, d’un point de vue juridique et politique, quelles lois accompagnèrent ou favorisèrent l’émergence de l’offre de soin actuelle en pays navajo ?
Rodeo avec vétérans navajo, juillet 2006, copyright Nausica Zaballos.