Il est composé de matières présentes au sein de l’enclave sacrée délimitée par les quatres montagnes qui marquent la frontière entre Dinetah, terre des Navajo et le reste du monde.
Cette représentation illustre la volonté de s’ancrer culturellement, spirituellement et intellectuellement dans une entité géographique dotée d’une identité, d’une autonomie et d’une vie propre.
L’attachement viscéral à la terre résulte d’une filiation qui a laissé ses stigmates sur les corps et les organes. La Terre charrie et accouche des Navajo. Les premiers Navajo avaient émergé de ses entrailles, des mondes inférieurs, d’autres ont été modelés à partir de ses composants par Femme Changeante.
Selon le mythe des Origines, Femme Changeante décide de créer d’autres humains après son union avec le soleil et la naissance des Jumeaux. Elle prend un peu de terre. Elle la pétrit avec de la peau qu’elle prélève sur ses épaules, son buste, son dos et ses bras. [1]
Elle utilise également du maïs et des pierres précieuses, celles là mêmes qui sont situées aux sommets des quatre montagnes sacrées. [2]
Après avoir modelé ses figurines, Femme Changeante les anime en chantant. Le souffle donne la vie. Le corps humain est animé par plusieurs éléments présents dans la Création : humidité, air, chaleur, substance, vibration (sons, langage…) [3]
Femme Changeante assure également la perpétuation de la race en créant le désir sexuel à partir de l’anatomie humaine :
Elle créa un pénis avec de la turquoise. Elle obtint des cuticules en frottant le torse de l’homme. Elle les malaxa avec du yucca. Elle créa un clitoris en corail qu’elle plaça à l’intérieur du vagin. Elle obtint des cuticules à partir de la poitrine de la femme, elle les mélangea à du yucca et les plaça dans le pénis en turquoise. [5]
Les humains sont crées par paires, homme et femme prêt à s’assembler. Femme Changeante donne ainsi naissance à quatre couples et quatre clans auxquels correspondent quatre parties du corps : Towering House Clan (seins gauches et droits), Near the Water Clan (partie droite et gauche du dos), Bitter Water Clan et Mud Clan (bras) Chaque clan est responsable d’une fonction physiologique et d’une maturation intellectuelle.
Le corps humain est la jonction entre le Ciel Père et la Terre Mère. Il représente le mouvement ascensionnel des premières générations de Navajo.
Le corps humain possède en lui deux forces : mâle et femelle, indépendamment du sexe de l’individu. Certains organes sont mâles ou femelles. L’équilibre entre les deux parties, mâle à gauche, femelle à droite, assure la santé de l’individu. Cette division de l’espace corporel en genres sexués se retrouve dans l’agencement du hogan.[6]
Le corps humain est composé de matériaux naturels, des minéraux ou des phénomènes météorologiques. Les artères, les veines et les os sont constitués de coquillages blancs, de turquoise, de corail. Les cheveux sont composés de pluies femelles et mâles. La chair est une mixture de maïs blanc et jaune.[7]
Les points de rencontre entre le corps et la terre ou le ciel permettent l’entrée des Vents Mauvais responsables de la maladie. Ces vents sont des résidus de chindi ou des émanations de sorciers. Ils pénètrent dans l’organisme par les pieds et le sommet du crâne (à l’emplacement de la corde d’ancrage). Les orifices sont également une autre voie d’entrée.
[1] Morris, Irvin. From the Glittering World, A Navajo Story. American Indian Litterature and Critical Studies Series, 22. Norman : University of Oklahoma Press, 1997, p.15.
[2] Trudelle Schwarz, Maureen. Molded in the Image of Changing Woman, Navajo views on the Human Body and Personhood. Tucson : University of Arizona Press, 1997, p.63.
[3] cf. « I am A Dine » Brochure Dine Traditional Ways, Belief and Values, éditée par le Diné Office of Education, np.
[4] Wyman, Leland. BlessingWay : The Slim Curley Version. University of Arizona : Tucson, 1970.
[5] Goddard, Pliny. Navajo Texts. Anthropological Papers of the American Museum of Natural History. New York: American Museum of Natural History, 1933, p.138-39.
[6] Trudelle Schwarz, Maureen. Molded in the Image of Changing Woman, Navajo views on the Human Body and Personhood.
Tucson :University of Arizona Press, 1997, p.41-42.
[7] Alexander Mitchell, entretien accordé le 24 juillet 2006 au Diné College, Tsaile, Arizona.